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QUALITÉS ÉMINENTES DE DUPLEIX

anéantir l’établissement anglais sur l’Oùgli et que cette entreprise n’eût réussi. Clive ne fit alors que ce qu’aurait fait Dupleix s’il avait encore été là. Dans cette occasion, comme dans beaucoup d’autres, ce fut l’esprit de l’illustre Français qui souffla dans le camp de ses rivaux.

Il est impossible de nier que Dupleix réunît en lui le plus complet assemblage des grandes qualités dont un homme ait jamais été doué. C’était un grand administrateur, un diplomate de premier ordre, un habile organisateur, un homme qui possédait au suprême degré le pouvoir d’influencer les autres. Son intelligence était prompte et subtile, quoique étendue, et susceptible de s’attacher. Il était doué d’une énergie que rien ne pouvait abattre, d’une persévérance, d’une résolution à l’épreuve de tous les coups de la fortune. Il avait une nature noble, généreuse, sympathique ; il était absolument incapable de concevoir de la jalousie et de l’envie[1] ; il était, au contraire, doué d’une égalité d’humeur qui lui permit de supporter avec résignation et dignité les plus grands revers et, en dernier lieu, la plus cruelle injustice. S’il est vrai qu’il ne fût pas un grand capitaine et n’eût pas le talent de conduire une armée sur le champ de bataille, cependant il montra en bien des occasions, et notamment lors du siège de Pondichéry par Boscawen, qu’il savait non-seulement résister au feu, mais encore vaincre sans secours et par son seul talent personnel tous les efîorts de l’ennemi. Sa manière de gouverner et l’influence de sa personne sont attestées par l’historien anglais de cette époque, quoiqu’il subit le joug des préjugés d’alors. « Tous ses compatriotes, écrivait M. Orme, s’accordèrent à penser que sa destitution du gouvernement de Pondichéry fut le plus grand malheur qui pût arriver pour les intérêts français dans l’Inde. »

Et vraiment, quand nous réfléchissons à tout ce qu’il avait accompli, comment il avait élevé le pouvoir français, comment il lui avait acquis une influence sans contre-poids et une immense

  1. Nous croyons avoir placé sous son vrai jour la querelle de Dupleix et de La Bourdonnais et avoir justifié le premier de toutes les accusations que la haine et les préjugés avaient amoncelées contre lui, et que les écrivains postérieurs avaient répétées sans les avoir contrôlées. Il n’a jamais été accusé de jalousie envers de Bussy, qui avait cependant une bien plus grande influence que La Bourdonnais.