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CHUTE DE DUPLEIX

extension de territoire ; quand nous songeons qu’avec la moitié de ces deux mille hommes que Godeheu amena avec lui, il pouvait écraser les Anglais, déjà réduits à toute extrémité dans Trichinopoly, nous ne pouvons trop nous étonner de l’esprit d’aveuglement, de vertige, de folie qui présida à son rappel. La première cause fut sans aucun doute, ainsi que nous l’avons indiqué, la décadence de la France sous Louis XV. Mais il y en avait encore une autre qui ne se rattachait pas complètement à l’état de la France, car nous l’avons vue se produire sous d’autres règnes que celui de Louis XV et dans d’autres pays que la France. Ainsi que l’avance l’historien français, Barchou de Penhoen, le crime de Dupleix c’était son génie, crime que tant d’autres grands hommes expièrent comme lui, soit par la misère, soit par l’exil ou la mort[1] ! Ce fut donc le 14 août 1754 que Dupleix dit adieu au sol sur lequel il s’était illustré. Quoiqu’il eût été désappointé dans ses plus chères espérances ; quoiqu’on le sût ruiné par les manœuvres de Godeheu ; quoiqu’il fût en butte à l’hostilité déclarée de ce puissant personnage, il fut accompagné sur le port par les principaux officiers et les employés de la Compagnie à Pondichéry, et suivi par tout le peuple. Un sentiment unanime de douleur envahissait tous les cœurs généreux. Leur affliction était de beaucoup plus éloquente, plus expressive que n’auraient pu l’être les sourires d’une Pompadour !

Quelques pages nous suffiront pour conduire le Gouverneur disgracié jusqu’à sa dernière heure. Avant qu’il fût arrivé en France, le ministre Machault, craignant pour l’Inde le résultat du rappel de Dupleix, dans l’état actuel de la politique européenne, et se flattant qu’il pouvait n’être pas encore réalisé, lui avait expédié une dépêche où il affectait de le traiter comme Gouverneur, et Godeheu uniquement comme commissaire du Roi pour faire la paix. Cette dépêche parvint à Pondichéry après que Dupleix en était parti, quoique le ministre l’eût envoyée avec l’espoir qu’elle l’y retiendrait. Son arrivée en France fut donc regardée comme un malheur, et pendant quelque temps il ne parut pas impossible qu’il

  1. Histoire de la Conquête de l’Inde par l’Angleterre.