Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
CARACTÈRE DE LEYRIT

la politique agressive des Anglais. En un mot, quoique laborieux et voulant le bien, il était lent, indécis, et manquait de prévoyance et d’énergie. Or, si jamais ces qualités avaient été nécessaires chez un Gouverneur français, c’était bien et surtout dans les circonstances présentes.

Godeheu avait à peine quitté le théâtre de ses travaux sans gloire ; sa signature était à peine séchée sur le traité dont une des clauses établissait que les Anglais et les Français n’interviendraient jamais dans aucun différend entre les princes du pays, que les Anglais équipaient déjà une arméepour seconder leur allié, Mahomed-Ali, dans ses efforts pour se rendre maître des Poligares de Madura et de Tinivelly, sur lesquels il ne pouvait alléguer aucun droit que celui de la force. Quoique les Anglais ne fussent mus que par des motifs purement pécuniaires et l’espérance de tirer de ces districts les moyens de s’indemniser des frais de la dernière guerre, on ne peut révoquer en doute que ce ne fût une infraction positive au traité. La seule tentative montrait à quel mépris on en était arrivé à l’égard du pouvoir français sur la côte de Coromandel.

Au commencement de février, un corps anglais commandé par le colonel Héron, du 49e d’infanterie, fut détaché de Trichinopoly pour cette expédition. Quel qu’ait pu être le succès apparent de l’entreprise, car le colonel occupa Madura et Tinivelly, elle ne doit pas moins être regardée comme désavantageuse. L’officier connaissait peu les mœurs du pays, et il laissa insulter par ses soldats la religion et les préjugés des habitants ; de plus, le produit du butin fut insuffisant pour couvrir les frais de l’expédition[1] : et ce qui était le plus fâcheux, le gouvernement du fort Saint-Georges avait donné une preuve de son peu de respect pour les plus solennels engagements, quand ses intérêts étaient en jeu. De Leyrit n’avait pas été un spectateur inattentif de cette manière d’agir de la part des Anglais. Il ne fut pas plus tôt débarqué, qu’il adressa au Gouvernement de Madras de vives remontrances sur cette infraction au traité. On lui répondit que l’expédition du colonel Héron n’était en aucune sorte un acte de guerre, mais que le nabab s’occupait sim-

  1. À son retour à Trichinopoly le colonel Héron fut mandé à Madras pour y être jugé par une cour martiale, qui le déclara coupable de malversation.