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IMPOSSIBILITÉ DE LA NON-INTERVENTION

que infraction au traité. Il est clair, d’après la correspondance de Leyrit avec Bussy et Dupleix[1] que, de jour en jour, il devenait plus convaincu de cette impossibilité comme de l’insigne folie qui avait porté Godeheu à consentir au partage des Circars avec les Anglais. Mais les Français possédaient encore les Circars et devaient les garder jusqu’à ce qu’on eût reçu la ratification du traité, c’est-à-dire jusque vers la moitié de 1756. Comme de Leyrit voyait que la guerre ne pouvait être évitée, il apporta tous ses soins à accroître les ressources de Pondicliéry et à éviter toute contestation jusqu’au moment où, instruit de la ratification du traité, il jugerait à propos de provoquer les hostilités sous quelque autre prétexte. Si le traité n’était pas ratifié, la guerre s’en suivait tout naturellement.

Cet exposé des vues de Leyrit nous met à même de comprendre et d’expliquer la politique qu’il continua d’observer pendant quelque temps. Nous pouvons apprécier pourquoi il continua d’entretenir de Bussy à Hydérabad ; pourquoi, lorsque les Anglais violèrent de nouveau le traité, il se borna à des menaces et à des protestations, jusqu’au jour où, apprenant que le traité avait été ratifié par ses Directeurs, il fit de l’agression des Anglais un prétexte pour reprendre les hostilités, s’efforçant ainsi de conserver à la France la possession des Circars cédés. En théorie, c’était indubitablement une politique habile et intelligente, mais pour la faire réussir il aurait fallu des hommes doués de plus de vigueur et d’énergie dans la pratique que de Leyrit et ses subordonnés, sauf toutefois de Bussy, n’en possédaient.

Les occasions de protester ne manquaient jamais de part ni d’autre ; dans l’automne de cette même année 1755, les Français ayant pris possession de quelques terrains contigus à Sadras, à peu près à moitié chemin entre Pondichéry et le fort Saint-Georges, les Anglais réclamèrent, et la contestation ne se termina que par un partage égal du territoire en litige[2]. Mais l’année suivante les affaires prirent un tour qui ne pouvait manquer d’amener un conflit entre les deux nations.

  1. De Leyrit à de Bussy, 29 juillet et 17 août 1755 ; à Dupleix le 16 octobre 1755, etc.
  2. C’était bien la manière européenne de trancher la difficulté, les terres en question appartenant à des princes indigènes ayant pris part au traité.