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MARTIN FONDE PONDICHÉRY

et de poser les fondements de ce puissant brigandage que ses successeurs portèrent si loin. Dans un temps semblable à celui-là et surtout pour une colonie comparativement riche, la seule chance de sécurité c’était d’être bien armée et capable de se bien défendre. Martin sentit cela mieux que personne. En voyant l’accroissement périodique de ses manufactures, il comprit qu’elles avaient besoin de défenseurs plus nombreux que ses quelques Européens. En conséquence, il eut recours à son ami Shere Khan Lodi, pour obtenir l’autorisation d’entretenir des soldats indigènes dans un but de défense. Shere Khan y consentit volontiers et lui céda trois cents de ses hommes ; Martin en fit non-seulement des soldats, mais aussi des colons ; il donna à chacun d’eux un morceau de terre, les encouragea à bâtir des maisons et à fabriquer des tissus et autres articles d’exportation.

Pendant quelque temps, tout sembla aller au mieux, et la colonie jouit d’une prospérité croissante ; mais au dix-septième siècle la paix et la tranquillité étaient rares dans l’Inde, et Pondichéry s’en ressentit à son tour. En 1676, Sevadgi qui, dans les quatre dernières années, s’était emparé de plusieurs villes sur la côte de Malabar, et avait été couronné roi des Mahrattes, se transporta à Golconde et ayant fait alliance avec ce gouvernement pour la protection de ce territoire pendant son absence, il s’élança comme un torrent sur le Carnate. En mai 1677, il passa par Madras, alors occupé par les Anglais et parut devant Gingi, regardé comme inaccessible. Cependant Gingi se rendit, grâce à une intelligence ménagée avec le commandant. Continuant sa route vers le sud, il se rencontra avec l’allié de Martin, Shere Khan à la tête de cinq mille cavaliers, le battit et le fit prisonnier. Sevadgi investit ensuite Vellore, prit Arni et menaça d’anéantir l’établissement formé par les Français sous le prétexte qu’ils étaient dépendants de son ennemi Shere Khan Lodi.

La situation était critique. Les trois cents soldats manufacturiers de Maitin étaient impuissants, dans une pareille conjoncture, quelque secours que leur prêtât la colonie européenne. La résistance était donc hors de question. Mais Martin avait déjà traité avec les Asiatiques, et il connaissait un argument sans réplique