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RESULTATS DE LA POLITIQUE DE GODEHEU

venir de sa grandeur passée, et être un spectateur impuissant de l’élévation de la nation à laquelle il avait disputé le commerce du Bengale depuis quatre-vingt-un ans, c’est-à-dire de 1676 jusqu’en 1757. Tel était un des résultats de la politique d’un gouvernement assez mal inspiré pour remplacer Dupleix par un homme qui ne réussit que trop à communiquer à ses subordonnés son esprit timide et faible.

Nous avons laissé de Bussy à Mazulipatam, occupé à régler les affaires des quatre Circars que l’habileté de Dupleix avait ajoutés aux districts cédés antérieurement aux Français. Il y resta jusqu’à la fin de 1754. Après bien des hésitations, Godeheu s’était déterminé à suivre les projets de Dupleix, quant au maintien de Bussy avec un contingenta Hydérabad. « Je sens, écrivait-il à Moracin, la nécessité de ne pas abandonner Salabut-Jung dans la position où il se trouve, et, en conséquence, je viens d’ordonner à M. de Bussy de le rejoindre aussi promptement que possible. » Ce fut pour obéir à ces instructions que de Bussy, après avoir réglé l’administration des revenus des districts cédés et affermi l’autorité française du Nord au Sud, retourna près de Salabut-Jung pour y reprendre sa place ordinaire.

On put bientôt apprécier quelle profonde impression avaient causée aux nobles mahométans du Décan le rappel de Dupleix et son remplacement par un homme aussi nul, aussi incapable que l’était Godeheu. Jusqu’à ce moment, le nom seul de Dupleix produisait un effet magique. À leurs yeux, il réunissait toute l’énergie et l’audace de la race du Nord, et le tact, la souplesse et l’habileté des Orientaux. Ils sentaient qu’il était leur maître, et ne se roidissaient pas contre son joug. Leur affection était mêlée de respect, et leur crainte était tempérée par la vénération.

Le soubab lui-même l’appelait son oncle en lui écrivant ou en lui parlant, et tous le regardaient comme un chef qui ne pouvait faillir. Et voilà qu’il était destitué avec toutes les marques possibles d’ignominie, destitué pour être remplacé par un gouverneur qui déclamait ouvertement contre ses entreprises guerrières et déclarait que la mission de la nation française dans l’Indoustan était purement commerciale ! Cette déclaration résonnait étrangement,