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CHANDERNAGOR ET LE DÉCAN

en vérité, aux oreilles des fiers nobles du Décan, les descendants de ceux qui avaient suivi Akbar, et qui considéraient le commerce comme le partage d’une race inférieure. Il était peu probable qu’ils consentissent à demeurer longtemps soumis aux représentants d’une semblable politique. Si l’on se rappelle qu’avec ces nouvelles arrivèrent aussi les détails des victoires remportées par les Anglais, soit sur le champ de bataille, soit dans les négociations, on comprendra aisément qu’un sentiment de doute et de méfiance ait commencé à miner la confiance et l’estime que de Bussy avait su faire naître pour sa patrie et pour lui-même. La communication que fit de Bussy au soubab, aussitôt après son retour d’Hydérabad, en janvier 1755, concernant le traité conclu entre Godeheu et Saunders, n’était pas de nature à conjurer ce sentiment. Le soubab, dans l’audience qu’il lui accorda à cette occasion, s’exprima avec amertume sur la nouvelle politique qui venait d’être inaugurée à Pondichéry. « Votre souverain, dit-il, a promis de me soutenir contre mes ennemis, d’établir mon autorité et de la faire respecter : vous m’en avez vous-même donné des assurances sur lesquelles je me suis reposé. Et maintenant voilà que j’entends dire que c’est le roi d’Angleterre qui s’occupe spécialement des affaires de l’Inde et même de celles qui me concernent. » De Bussy chercha à expliquer les actes de Godeheu, mais le soubab et ses ministres l’écoutèrent sans être convaincus. Ils étaient indignés qu’on eût décidé du sort du Carnate sans en référer au soubab, son souverain seigneur. « Vous m’avez mis dans la balance avec Mahomed-Ali, disait Salabut-Jung ; vous avez permis qu’on plaçât à la tête d’une de mes provinces tributaires un homme que je n’aurais jamais employé, et qui s’est toujours révolté contre mon autorité. De plus, si je m’avançais pour le chasser du Carnate, les Anglais le soutiendraient, et d’après cette convention vous vous tiendriez en arrière ; vous, qui vous êtes engagé à me soutenir, vous ne m’aideriez ni contre les Anglais ni contre Mohamed-Ali ! » Le soubab conclut son discours par ces paroles prophétiques sur la nécessité pour le souverain du Décan de s’appuyer sur un pouvoir plus fort que le sien ; cette nécessité, clairement reconnue depuis et admise par tous ses successeurs, a été la base de cette politique grâce à laquelle la