Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/415

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
395
EMBARRAS DE DE BUSSY

province qu’ils gouvernaient acquit une force et une vitalité toujours altérées quand ces conditions ont été négligées : « Vous savez, dit-il, que l’état de mes affaires exige impérieusement l’appui d’un pouvoir européen ; il faut que vous restiez ici ou que je mette les Anglais dans mes intérêts. Êtes-vous disposé à me rendre les services que j’ai reçus de vous jusqu’ici ? Je ne serai que juste en vous disant que j’en suis reconnaissant ; mais il semblerait que maintenant vous n’en avez ni le pouvoir ni l’inclination. »

À ces questions, naturellement inspirées par l’impression que produisait, sur un esprit indigène, la politique d’inertie inaugurée par Godeheu, de Bussy ne put répondre que par des généralités. Il dit au soubab que la nation française avait le pouvoir de lui être utile et serait toujours influencée par cet ardent désir ; il lui promit d’avance de le satisfaire par ses services dans l’avenir comme par le passé. Une occasion se présenta bientôt à de Bussy de donner une preuve pratique de sa sincérité et de chercher, par ce moyen, à chasser de l’esprit de Salabut-Jung les pensées qu’il avait exprimées au sujet des Anglais. Comme représentant du JVIogol, le soubab du Décan possédait, en théorie, une autorité féodale sur tous les pays au Sud de la chaîne du Vindya. Cette souveraineté ne comportait, du reste, rien de plus que le droit de lever un tribut annuel, gage de la suprématie de l’empereur de Delhi. Mais, pour exercer ce droit ou même le faire reconnaître, il fallait que le soubab fiit en mesure d’user de moyens coercitifs. Ainsi, en droit, son autorité s’étendait sur le pays des Mahrattes ; mais, loin qu’elle fût exercée dans aucun des territoires occupés par eux, ce peuple pillard, non-seulement gardait ses revenus pour lui-même, mais encore était dans l’habitude d’extorquer, dans beaucoup de villages et de districts du Décan, le quart des revenus du Mogol. Mysore était également tenu à une contribution, mais elle n’était jamais payée ou reconnue que quand le soubab pouvait l’exiger par la force. Depuis bien des années, Mysore, soutenu par les Mahrattes, était fort, comparativement au Décan qui, déchiré à l’intérieur par les factions et menacé par les invasions du dehors, n’avait pu se livrer à aucune agression. Mais, en 1755, Salabut-Jung se trouvait chef incontesté, en paix avec ses voisins, et avait