Page:Malleson - Histoire des Français dans l’Inde.djvu/428

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
408
CHANDERNAGOR ET LE DÉCAN

hésité à agir en conséquence. Law n’était pas, il est vrai, un grand général, et ne comprenant pas cette loi, il ne s’y conforma pas.

Law s’arrêta donc, et, pendant cette halte, les dangers de sa position, dont il aurait été distrait par l’excitation de la marche, grandirent et se décuplèrent devant son imagination. Il commença à perdre de vue le grand but pour lequel on lui avait fait quitter Mazulipatam, et peu à peu la conviction se forma dans son esprit que c’était de Bussy qui devait le délivrer, et non lui qui devait secourir de Bussy. Sa situation se colora des teintes les plus tristes : il crut tout perdu ; la contagion gagna ses inférieurs, et, dans un conseil de guerre, on résolut de notifier à de Bussy l’impossibilité absolue où l’on était d’avancer.

Ce fut dans la nuit du 12 août, au retour d’une attaque nocturne que, seul avec ses Européens, il avait tentée avec succès contre le camp ennemi, que Bussy reçut cette lettre. Il fut vivement affecté ; mais sachant que le détachement était assez fort pour se frayer la route jusqu’à Hydérabad puisque les deux principaux chefs mahrattes devaient rester à peu près neutres, il envoya à Law un ordre catégorique, « au nom du Roi, » de se mettre immédiatement en marche, sans se laisser arrêter par aucune considération. En même temps, et pour paralyser les mouvements de l’ennemi, il sortit de Char-Mahal à la tête de cent cinquante Européens et trois cents Cipayes, traversa le pont sur le Moussi, et plantant sur l’autre rive sa tente si bien connue de tous, il y campa.

Par ce seul acte, il prouvait non moins de courage et d’audace que de connaissance intime et profonde du caractère indigène. Il savait à quel degré la nature faible et crédule du peuple du Décan est impressionnable. Il savait que la vue seule de sa tente dressée hors du Char-Mahal, multiplierait au décuple le nombre d’hommes dont il était accompagné, que cela tiendrait sur le qui-vive toutes les forces de l’ennemi qui, s’attendant à une attaque, n’oserait pas prendre l’offensive. Il savait que cela suffirait pour empêcher l’envoi d’un seul homme pour renforcer le corps envoyé contre Law. Les événements se chargèrent de prouver qull avait jugé saine-