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DERNIÈRE LUTTE

soit le plan que vous adoptiez, il faut que la pensée et l’aetion soient simultanées. » Le ministère n’accepta pas alors ses conseils ; mais quand, l’année suivante, il vit que sa marine marchande était aux trois quarts anéantie, il conclut une alliance avec l’Autriche, la Russie et la Suède, et, le 17 mai 1754, le Roi de France déclara la guerre à l’Angleterre. Peu de temps après cette déclaration, on résolut de faire un grand efîort pour débarrasser l’Inde des Anglais, et Lally fut choisi pour commander Texpédition qui se préparait dans ce but.

Dans le principe[1], elle devait se composer de trois mille hommes et de trois vaisseaux de guerre ; mais avant qu’elle fût prête à partir, il devint évident pour le ministère que les Anglais, plus prompts et plus expéditifs, s’étaient appropriés les plans de Lally et allaient tenter d’expulser les Français du Canada. Il en résulta qu’au dernier moment, on retira à Lally un tiers de ses troupes et deux de ses vaisseaux de guerre. Cet ordre n’aurait pas eu d’effet, car l’expédition avait déjà pris la mer, si le comte d’Aché, qui commandait la flotte, ne se fût obstiné, contre l’avis de tous ses capitaines, à rentrer à Brest, pour faire à deux de ses vaisseaux des réparations insignifiantes mais qu’il jugeait indispensables. Pendant qu’il était ainsi occupé, l’ordre de réduction arriva, et tandis que la moitié des troupes laissées aux ordres de Lally partait de Lorient le 30 décembre 1756, sous les ordres du chevalier de Soupire, l’autre moitié, commandée par Lally en personne, ne put quitter la France que le 2 mars de l’année suivante.

Le lecteur qui nous a suivi jusqu’ici dans l’histoire des efforls multipliés de la France pour créer un empire dans l’Inde a dû être frappé de la grande diversité de caractères qui se produisit parmi les chefs qui auraient dû agir de concert. Mais il n’y eut peut-être pas, dans cette histoire, d’exemple plus frappant de cette incompatibilité que dans Lally et ses coopérateurs. En apparence, Lally était d’un caractère très-emporté, mais il possédait un esprit vif, fertile en ressources quoique prompt à s’inquiéter ; il ne reculait

  1. Ce récit des opérations de Lally est puisé dans la Correspondance officielle, jointe aux Mémoires de Lally, de Bussy, de Leyrit et Moracin dans ses Mémoires, les Histoires de Orme, Wilks, Broom et encore dans le Seitr Mutakherin.