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LENTEUR DE LEYRIT ET DE D’ACHÉ

six semaines après Soupire, et il pouvait penser qu’on l’accuserait de présomption et de témérité s’il tentait une entreprise importante avant l’arrivée du commandant en chef, qu’il devait supposer très-prochaine. Une troisième raison pesait encore sur son jugement : il craignait qu’à un moment donné la flotte anglaise de l’Oûgli ne reparût sur la côte de Coromandel et n’y reprit la suprématie ; il ne pouvait savoir alors quelles grandes conceptions la conquête de Chandernagor avait fait éclore dans le cerveau de Clive.

Au lieu donc de chercher à frapper un des points vitaux de l’autorité anglaise, Leyrit résolut de se contenter de réduire les divers forts du Carnate et de placer les territoires qui les environnaient sous la domination d’hommes dévoués au Gouvernement de Pondichéry. Dans ce but, il employa jusqu’à la fin de l’année les forces combinées de Soupire et de Saubinet à prendre Trinquemale et les autres places fortes dans le voisinage de Chittaput et de Gingi[1]. Mais, depuis le commencement de 1759 jusqu’au 28 avril, jour de l’arrivée de Lally, des jours, des mois précieux furent gaspillés dans l’inaction, en négociations illusoires avec Hyder-Ali, en tentatives avortées pour fomenter un soulèvement parmi les prisonniers français à Trichinopoly.

Pendant ce temps, l’escadre de d’Aché accomplissait lentement sa traversée ; durant tout le voyage cet amiral avait fait preuve d’incapacité et montré combien il était peu apte à un pareil commandement. Il avait en route capturé un petit bâtiment de commerce anglais, et pour conserver sa prise, qui ne valait pas quarante mille francs, il n’avait pas hésité, malgré les remontrances et même les menaces de Lally, à y aller coucher tous les soirs ; de plus, ayant touché à Rio-de-Janeiro, il y demeura six semaines pour y tirer parti de la cargaison de son navire et lui refaire un chargement ; pour éviter le Cap pendant l’équinoxe, il se détourna de sa direction pendant six semaines, et pour se garer de la seconde équinoxe, il prit la plus longue route de l’Île de France à Pondichéry. Il était si craintif que, s’il apercevait dans le jour une voile, il changeait sa

  1. Chapitre XI.