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DERNIÈRE LUTTE

en tête de la liste pour vingt mille roupies. Beaucoup de ceux qui étaient présents, y compris le Père Lavaur, M. Boileau et le chevalier de Crillon, répondirent avec empressement à cet appel. Leyrit, non content de se tenir personnellement à l’écart, affirma qu’il ne pouvait rien fournir sur les fonds publics, parce que les diamants et les piastres apportés par d’Aché n’étaient pas encore convertis en argent. Néanmoins, on réunit une somme suffisante pour distribuer la solde due pour six mois. Le vicomte de Jumel, adjudant-général de l’armée, porteur de ces fonds, partit afin de négocier avec les troupes. Les soldats révoltés ne voulant pas écouter les représentations de cet officier, Lally envoya, à sa place, Crillon, qui avait toujours exercé une très-grande influence sur eux. Après quelques pourparlers, ils consentirent à recevoir six mois de paye immédiatement et le complément au 10 novembre ; ils demandèrent amnistie complète pour le passé et le retour de leurs officiers dans leurs postes. Ils ajoutèrent qu’ils étaient tous animés de sentiments très-français, qu’ils étaient prêts à se battre pour leur pays et l’honneur de leur Roi, en se soumettant à leurs supérieurs[1]. Les troupes rentrèrent ainsi dans le devoir ; mais cette révolte eut pour effet de faire évanouir toute espérance d’une action combinée avec Bussalut-Jung, car ce prince, déjà impatient d’attendre si longtemps Bussy, se retira, lorsqu’il apprit la rébellion, dans la direction d’où il était venu. Bussy, après avoir apaisé le mécontentement qui s’était manifesté dans ses troupes, poursuivit sa route ; quand il atteignit le camp de Bussalut-Jung, il trouva que la tournure prise par les affaires avait indisposé celui-ci à l’égard de l’alliance française. Bussy dut donc se borner à lever de l’argent et des troupes parmi ses anciens amis, et revint à Arcate.

Pendant ce temps, Lally, après avoir rétabli l’ordre dans ses troupes, résolut d’exécuter un projet que la plus impérieuse nécessité aurait pu seule justifier ; c’était de diviser ses forces et d’en envoyer une partie pour inquiéter les Anglais sur Trichinopoly. Il semblait vraiment téméraire de diminuer ainsi le corps avec lequel il devait rencontrer, dans la saison rigoureuse qui s’approchait, l’armée

  1. Mémoire pour Lally, p. 142.