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LA DERNIÈRE CAMPAGNE

renforcée des Anglais, et cette détermination fut jugée ainsi par Leyrit et d’autres membres du Conseil. Mais Lally était dans une grande perplexité : il n’avait pas assez d’argent pour payer toutes ses troupes, et il était fort convaincu qu’il y en avait une partie, les Européens, qui ne valaient pas la peine d’être payés. Il pensait donc faciliter ses mouvements en éloignant une force armée en laquelle il n’avait aucune confiance, tandis qu’il alarmait les Anglais pour la sûreté d’une ville qu’ils avaient tenue depuis si longtemps et dont la garnison allait se trouver ainsi confinée dans les murailles. Prenant avantage de ce que les Anglais avaient été repoussés devant Devicotta, il détacha Crillon à Seringham à la tête du bataillon de l’Inde et de trois compagnies de grenadiers. Crillon emporta d’assaut cette île, le 21 novembre ; puis, laissant au bataillon de l’Inde le soin de maintenir la garnison dans le respect, il rejoignit Lally avec ses grenadiers.

Tandis que Crillon était engagé dans cette expédition, Lally, rétabli de sa maladie, s’était rendu à Wandewash et avait marché de là, avec son armée, sur Arcate. Il y fut rejoint, le 10 décembre, par Bussy avec trois cent cinquante Européens et deux mille irréguliers. Le commandant de ces derniers s’était muni de réclamations envers le gouvernement français, pour des arriérés de solde considérables. Il ne perdit pas de temps pour les présenter, et il le fit d’une façon telle, que, pour employer l’expression de Lally, ils ressemblaient plus à une troupe de créanciers qu’à un corps auxiliaire. Pour s’assurer la cavalerie indigène qui lui était indispensable dans cette campagne, Lally négocia avec Morari-Rao pour qu’il lui fournit deux mille cavaliers[1].

La campagne qui allait s’ouvrir entre les deux nations promettait de décider, au moins pour quelque temps, du sort du Carnate. La défaite devait entraîner d’autres désastres pour la nation vaincue, surtout pour les Français, qui n’étaient pas maîtres de la mer et dont les ressources étaient presque épuisées, tandis que les Anglais avaient la possibilité de se retirer sur le Bengale, ou tout au moins d’attendre le retour certain de leur flotte après la mousson. Dans

  1. Ces hommes étaient engagés moyennant vingt-cinq roupies par mois.