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DERNIÈRE LUTTE

rieur. Il fut l’objet des plus violentes menaces. Dubois, âgé de près de soixante-dix ans et presque aveugle, était courageux ; il se retourna pour répondre aux invectives de ceux qui le poursuivaient et mit l’épée à la main. Il fut aussitôt percé de part en part par un nommé Defer, et les conspirateurs se hâtèrent de s’emparer de ses papiers. C’est avec raison qu’un historien français en rapportent ce fait de deux épées françaises se croisant sur le seuil de la ville que des dissensions intestines faisaient perdre à la France, s’écrie « que c’est une image et un résumé frappant de l’histoire de ces trois dernières années dans l’Inde. »

On nous pardonnera si nous abandonnons un instant le fil de notre histoire pour suivre Lally jusqu’à la fin de sa carrière. Envoyé de Madras en Angleterre, il vit, en y arrivant, que la fureur et la haine auxquelles il avait été en butte dans l’Asie, l’avaient suivi en France. Ayant obtenu du gouvernement anglais la permission de se rendre sur parole à Paris, il tenta de produire contre Leyrit et les conseillers, les accusations dont il les avait menacés dans l’Inde. Cette tentative eut pour résultat de réunir contre lui tous ceux dont il incriminait la conduite. Bussy et d’Aché, Leyrit et Moracin, le Père Lavaur et les conseillers de Pondichéry firent cause commune contre lui. L’effet des assertions convergentes de ces divers ennemis fut tel que le duc de Choiseul lui donna le conseil de chercher le salut dans la fuite. Mais lui, sûr de son innocence, préféra répondre devant les tribunaux aux accusations dirigées contre lai.

Les procédures traînaient en longueur, lorsque le Père Lavaur mourut en 1763. On dit que, pour se garantir de toute éventualité, ce Père avait écrit deux mémoires sur les événements de Pondichéry : l’un favorable et l’autre hostile à Lally. Ces mémoires étant tombés entre les mains de ceux qui avaient été les promoteurs de l’accusation, ils auraient supprimé le mémoire favorable et publié l’autre[1]. Quelque étrange que cela puisse paraître à notre époque, le mémoire fut considéré par le Parlement de Paris comme une preuve, et influa beaucoup sur le sort de l’accusé[2]. Tout secours

  1. Voltaire, Orme.
  2. « Personne, écrivit le colonel Coote après la victoire, n’a une plus haute opinion