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LA COMPAGNIE PERPÉTUELLE DES INDES

Cependant Law encore plein de confiance s’efforçait par de nouvelles mesures de maintenir la valeur du papier et d’abaisser celle des espèces. Dans ce but, il provoqua divers édits, la plupart fort arbitraires ; ainsi il fut défendu de payer en argent, les sommes supérieures à dix francs, et en or, celles qui dépasseraient trois cents francs. Il fut interdit de porter des diamants, des perles et des pierres précieuses : la fabrication des objets d’or et d’argent fut resserrée dans d’étroites limites. Un décret du 28 janvier ordonna l’abaissement du titre des monnaies au-dessous d’une certaine valeur, afin de faire entrer au trésor les pièces démonétisées : Un autre en date du 27 février défendit que personne possédât plus de cinq cents francs en argent, et exigea que tous les payements, au-dessus de cent francs, fussent faits en billets de banque. Le 11 mars on publia que, à partir du Ier mai suivant, l’or serait entièrement retiré de la circulation, et l’usage de l’argent, sauf pour la petite monnaie, fut interdit à partir du Ier août. Dans le même mois, Law espérant ainsi soutenir la Banque royale, la réunit à la Compagnie des Indes. La valeur des actions de cette dernière lut irrévocablement fixée à neuf mille francs, et deux bureaux furent ouverts pour la conversion à ce cours des actions en billets et vice versa. Le premier de ces bureaux fut aussitôt assailli par la foule ; des hommes munis de leurs billets s’élançaient pour les vendre à perte contre de l’argent comptant, ou les envoyaient vendre dans la province, où ils étaient encore acceptés. Le produit était immédiatement placé en propriétés.

Les manœuvres de Law n’empêchèrent pas la chute de tout l’édifice. Les clauses prohibitives firent, il est vrai, rentrer à la banque beaucoup d’espèces possédées par les classes moyennes, mais elles étaient impuissantes à l’égard de la haute noblesse, qui, à cette époque était au-dessus de la loi[1]. D’ailleurs, si elles amenaient de l’argent dans les caisses publiques, elles détruisaient complètement la confiance, et la dépréciation ne s’arrêtait pas. Law après

  1. Aussitôt que le décret fut rendu, le prince de Conti retira de la Banque, trois charettes pleines d’espèces. Le duc de Bourbon en retira vingt-cinq millions, mais les personnes d’un rang inférieur ne pouvaient défier ainsi la loi. L’État fit saisir chez un boutiquier soixante mille marcs d’or et d’argent, à cause de sa contravention à l’Édit. Law, son système et son époque.