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DUPLEIX RELÈVE CHANDERNAGOR

à trouver le moyen de sortir d’un embarras momentané, mais, la crise passée, ils retombaient aussitôt dans le far niente qui était devenu leur vie habituelle. La ville présentait une apparence de désolation et de ruine parfaitement en rapport avec cette situation ; ses rues silencieuses étaient envahies par les broussailles : devant ses quais déserts, le rapide courant de l’Ougli faisait passer les marchandises de l’Orient, destinées aux rivaux qui créaient les riches entrepôts du vieux Calcutta sur les ruines de terre de Chutta-Nutty.

C’était pour administrer un établissement réduit à cet état de décrépitude toujours croissante que Dupleix fut désigné en 1731. Mais malgré la situation de dépérissement dans laquelle il trouva Chandernagor, il ne s’abandonna ni à l’inquiétude, ni au découragement. Au premier coup d’œil il discerna les ressources que ce lieu pouvait fournir, et, d’autant plus confiant dans ses propres moyens qu’il avait prouvé à Pondichéry le mérite de ses conceptions commerciales, il sentit que la restauration de Chandernagor serait une tâche praticable. La mission qui lui était confiée avait donc l’attrait d’une grande œuvre à accomplir, et il se sentait capable de la mener à bonne fin. Il ne perdit pas de temps en délibérations, et mettant immédiatement à contribution la grande fortune qu’il avait acquise, il engagea les autres à suivre son exemple. Il acheta et affréta des navires, se procura des chargements, ouvrit des communications avec l’intérieur, attira à la ville les marchands indigènes, et Chandernagor ressentit bientôt l’influence de cette main puissante. Animés par son exemple, les subordonnés secouèrent leur nonchalance habituelle et voulurent entrer dans la voie qu’il leur ouvrait. Dupleix avait de la place pour tout le monde. Aux uns il avançait de l’argent, il s’associait les autres ; tous recevaient de l’encouragement. Il n’était pas encore en fonctions depuis quatre ans que déjà les cinq ou six bateaux du pays qui, lors de son arrivée, se trouvaient amarrés sans emploi au quai de Chandernagor, étaient remplacés par trente ou quarante navires ; au moment de son départ, leur nombre s’élevait à soixante-douze ; ils portaient les marchandises du Bengale à Surate, Yeddo, Moka, Bassora et jusqu’en Chine. Il ne négligea pas non plus le