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ÉLÉVATION DU POUVOIR FRANÇAIS DANS L’INDE

preuves. Il augmenta, par tous les moyens à sa portée, les fortifications du côté de l’Ouest. Pendant quinze jours, des chariots et des bêtes de somme apportèrent sans interruption, dans Pondichéry, des grains et autres approvisionnements. Dumas surveillait lui-même toutes les opérations d’achat, faisait emmagasiner les grains, et dirigeait les travaux des fortifications. Rien n’était négligé ; son industrie était infatigable. Les indigènes des alentours qui avaient quelque chose à perdre arrivaient en foule, apportant avec eux des vivres et des richesses. Mais d’autres hôtes d’un rang plus élevé sapprochaient. Le 25 mai, cinq jours après la bataille, au moment où tous ces préparatifs étaient en pleine activité, on signala un grand cortège se dirigeant vers Pondichéry. On apprit bientôt qu’il se composait de la veuve de Dost-Ali, de ses enfants et de sa suite, avec ses bijoux et ses richesses ; le tout escorté par un corps nombreux de cavalerie. Arrivé au pied des fortifications, cette princesse envoya un message à Dumas, le suppliant de l’admettre dans la ville.

Personne ne savait mieux que Dumas que si quelque chose pouvait attirer sur lui la colère des Mahrattes, et les engager à marcher sur Pondichéry, c’était assurément la connaissance que cette ville renfermait dans ses murs les plus précieuses richesses du nabab défunt. Il est certain que, dans les circonstances présentes, les sentiments chevaleresques naturels à un homme d’honneur devaient le pousser à ouvrir ses portes toutes grandes à une femme dans l’infortune. Mais ici, il ne pouvait se laisser entièrement diriger par ses sentiments personnels. Il était préférable à ses yeux d’attirer les Mahrattes sur Pondichéry plutôt que de s’exposer à la certitude pour les Français d’être déshonorés et méprisés de toute l’Inde. Sufder-Ali n’était pas encore soumis ; le refus d’admettre sa mère devait inévitablement en faire un ennemi qui aurait alors les meilleures chances pour devenir le prince suzerain de tout le pays entourant Pondichéry. Néanmoins, avant de répondre à la requête de la veuve d’Ali, Dumas convoqua le conseil. Il exposa que, dans son opinion, l’honneur, la reconnaissance, l’humanité et la politique étaient d’accord pour conseiller l’admission ; puis, examinant l’hypothèse contraire, il en fit ressortir les dangers. Le Conseil, se rangeant à son avis, décida l’admission du cortège dans la ville.