Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jack fit une pause ; puis continua :

— Je vins en France. Vous savez comment je vous ai connue. Je vous assure que j’avais l’intention stricte de tenir ma parole envers Bessie et que je ne voulais pas regarder d’autre femme. Mais vous avez incarné à mes yeux la tendresse familiale. Si jeune, vous êtes déjà si éprouvée que les circonstances ont mûri votre nature. Moins âgée que ma fiancée, vous m’apparaissez pourtant comme son aînée, plus près de moi, plus grave, plus compréhensive… Je constate — lorsqu’il n’est plus temps — qu’à un homme qui a souffert et peiné, il faut une compagne qui ait connu la souffrance et la peine. Hier, dans l’intensité d’une minute unique, tous deux enivrés de la même joie, appariés par l’acte qui venait de s’accomplir, nous nous sommes sentis pareils, unis par mille affinités…

Warton acheva, comme une excuse :

— Voilà ce que signifiait la griserie à laquelle j’ai succombé.

Il poursuivit, d’un ton plus bref :

— Reste Bessie. Je crois qu’elle m’est attachée ; elle m’en donne des témoignages à sa manière, car elle est fort jalouse ; on dirait qu’un instinct l’avertit que sa place n’est plus la même dans mon cœur. En suis-je responsable ? Cette folle enfant semble s’ingénier à me déplaire par ses lubies, ses excentricités, ses actions impropres… sa dernière inconvenance passe le reste… et elle me l’a présentée comme une preuve d’amour !

— Est-ce qu’elle est jolie, miss Bessie Arnott ? interrompit doucement Laurence, trahissant par cette curiosité tous les sentiments qui l’agitaient.