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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/104

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— Vous la connaissez, répondit Warton. Étonnée, Laurence le considéra d’un air intrigué. Il expliqua :

— Cette dernière excentricité dont je vous parlais… Elle a profité de son éducation garçonnière, de ses aptitudes physiques et de sa ressemblance avec son frère pour venir en France sous le nom de ce jeune homme, travestie en Teddy Arnott… Son apparition, — lorsqu’elle arriva un jour à Neuilly, triomphante d’être parvenue à ses fins malgré la défense paternelle, déconcertante sous son costume masculin qu’elle portait avec audace — son apparition me dégrisa, éteignit comme par miracle tout mon amour pour elle. Je fus choqué, dans mon respect de la femme, à l’idée des mésaventures équivoques provoquées par ce déguisement ; sa dignité compromise ; et les contacts forcés auxquels l’exposait son avatar… Quelque chose se brisa en moi. Dans mon cœur, plus d’émotion ; dans mes yeux, plus de flamme ; dans ma voix, plus de chaleur… plus rien ne me fascinait en face de Bessie… le charme était rompu.

Il reprit d’une voix sourde :

— Hélas ! Nous sommes engagés. Et miss Arnott ne paraît pas disposée à me rendre ma parole. S’est-elle aperçue de mes sentiments ? Je ne pense pas. Nous sommes de natures si opposées qu’elle n’a pu distinguer une nuance de différence, entre ma pondération et mon refroidissement.

Jack termina avec une sorte d’humilité naïve :

— Ma psychologie est rudimentaire et je me trouve aux prises avec des sentiments complexes… Je n’aurais pas supposé qu’un honnête homme pût être embarrassé pour déterminer son devoir : lorsqu’on a tracé sa route en droite ligne, il ne semble pas qu’on puisse hésiter au carrefour… Et cependant, me voilà