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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/117

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Laurence s’approche du lit funèbre. Elle aurait cru que la vue d’un cadavre dût l’épouvanter. Elle constate que l’on ne peut avoir peur de ce que l’on a aimé. Au contraire ; des larmes apaisantes — les premières — coulent lentement de ses paupières à l’aspect de cette figure calme et froide où les traits maternels recouvrent une apparence de jeunesse.

— Maman ressemble à son portrait d’il y a vingt ans.

Laurence se penche sans crainte et sans répulsion, embrasse passionnément ces joues de marbre.

— Oh ! ma petite mère chérie… L’affreux contact de ces joues froides !…

Elle est déjà loin, l’âme enfuie de cette enveloppe glaciale où se fige la forme illusoire de l’être disparu.

Laurence s’emplit les yeux de cette contemplation atroce.

— Ma petite maman que je ne reverrai plus jamais, jamais, à partir de demain…

Laurence se rejette en arrière, éperdue d’avoir trop contemple la mort.

Elle se rapproche des fauteuils où dorment les deux jeunes gens.

Laurence considère Bessie : l’amour et l’amitié.

La jolie Américaine sommeille comme un baby qui a trop joué, les traits puérils, ses boucles courtes chatouillant son front, sa tête mollement abandonnée. Elle évoque immédiatement Warten dans la pensée de Laurence. La seule défense qui l’eût sauvegardée contre