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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/118

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son désespoir — l’amour du chirurgien — s’effondrait devant cette tête blonde : charmante, gamine, généreuse et primesautière Bessie, ton amitié spontanée devient un obstacle à la consolation possible. Laurence pense : « Ah ! que vous m’avez fait de mal en voulant me faire du bien ! »

Elle considère Bessie avec amertume : l’amitié qui interdit l’amour…

Et l’obsession de Jack Warton vient aviver sa douleur. Oh ! s’il avait été libre, quel réconfort elle eût puisé dans cette affection énergique et secourable : où pouvait-elle mieux supporter l’absence de sa mère que dans les bras protecteurs de l’ami qui avait tout tenté pour la sauver ?

Et il l’aimait… C’était le perdre deux fois que d’être obligée de renoncer à lui en sachant qu’il l’aimait. Une grosse émotion lui gonflait le cœur, à se sentir serrée comme dans un étau entre l’amour défendu et la mort irréparable. Elle éprouvait une affreuse impression d’abandon : « Mon Dieu ! que je suis malheureuse… pourquoi me laissez-vous toute seule ? » À cet appel instinctif de l’égoïsme humain, elle sanglota sur elle-même, mêlant, sans pouvoir s’en empêcher, le regret de son avenir irréalisable à la douleur de ce cher passé qui s’en allait.

Laurence eut comme un remords de pouvoir souffrir à cette minute même d’une souffrance étrangère à la morte qu’elle pleurait. Elle murmura : « Maman !… » mais, obstinément, le souvenir de Jack flottait dans cette atmosphère funèbre.

Il semble, qu’en notre être, le vouloir de l’esprit se heurte constamment à la frontière mystérieuse où se renferme notre sensibilité. Nous avons beau vouloir éprouver, nous fouet-