Aller au contenu

Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la récente offensive dans l’Est peut expliquer ce retard dans le courrier… Il va peut-être m’arriver trois ou quatre lettres à la fois… Dieu ! que je serai heureuse !

Elle s’efforçait de sourire avec vaillance. Elle eût cherché à vaincre les dernières hésitations de Bessie par son attitude qu’elle n’eût pas frappé plus juste.

Affreusement émotionnée devant ce sourire, Bessie, refoulant ses larmes, songeait : « Mais elle va devenir folle, si je lui dis… »

Elle se rappelait ces mots de Laurence : « Je n’ai plus que mon frère… c’est ma seule raison d’être, désormais. »

La jeune fille, si frêle, avec sa pauvre petite figure émaciée aux traits tourmentés, lui inspirait cette infinie compassion qui décide des sacrifices.

Elle compara leurs sorts respectifs : Laurence perdait tout, en perdant son frère ; rien ne la rattachait plus au monde… n’était-elle point condamnée, si nul ne lui tendait la main ?

Et Bessie, étreinte d’une frayeur presque superstitieuse, se remémorait la lettre de François : on eût dit que ce mourant avait deviné que miss Arnott pouvait avoir quelque influence sur la destinée de sa sœur ; sa dernière recommandation s’adressait à Bessie…

Elle réfléchit nettement : « Je souffre, c’est forcé : mais je suis jeune, j’ai un caractère ferme et une position de fortune qui me permet tant de satisfactions sur la terre ! Je m’éloignerai. J’oublierai. Je recommencerai. Si j’avais épousé Jack, j’aurais empoisonné ma vie : chaque jour, c’eût été un supplice pour moi de recevoir cette affection résignée en échange de mon amour. »

Elle considéra Laurence et conclut menta-