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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/72

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Chacun, suivant sa sensibilité personnelle, concentra son attention sur l’un de ces trois objets. Les hommes, endurcis par la guerre aux blessures de leurs semblables, s’intéressaient bien davantage à l’oiseau meurtri autour duquel ils s’assemblèrent curieusement.

À rebours, le sous-lieutenant qui les accompagnait parut songer d’abord aux victimes humaines et s’approcha de cet enfant évanoui dont la jeunesse le frappa.

Quand il aperçut l’officier, l’aviateur se releva brusquement et alla vers lui en déclarant d’une voix enrouée d’émotion :

— Ce qui m’arrive est épouvantable !

Le sous-lieutenant le consola :

— Vous n’êtes même pas blessé ?… Et vous avez failli vous tuer.

L’autre répliqua par un geste d’indifférence et regarda du côté de Teddy, avec un signe si expressif que le jeune officier s’écria :

— Il est mort !

— Non… non… C’est bien plus embarrassant.

— Mais, qu’a-t-il ?

L’aviateur toisa son interlocuteur, semblant le jauger d’un coup d’œil perçant : c’était un jeune homme de vingt-deux à vingt-cinq ans, de taille moyenne, robuste ; la figure très brune, énergique ; et, sous le front bombé des têtus, des yeux noirs et francs qui se fixaient sur vous sans dérober leur pensée. Cet ensemble plutôt sympathique décida l’aviateur, qui se trouvait dans une de ces circonstances où l’échec et le succès dépendent d’une promptitude de résolution. Et, se livrant à ce camarade inconnu, il murmura rapidement :