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Page:Marais - La Nièce de l'oncle Sam (Les Annales politiques et littéraires, en feuilleton, 4 août au 6 octobre), 1918.djvu/73

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— Venez à mon aide, si ma parole vous inspire confiance… Je suis victime d’une supercherie inouïe… Il y a trois semaines, je fis connaissance, à Neuilly-sur-Marne, d’un jeune militaire américain, nommé Teddy Arnott. Cet Arnott est venu me trouver hier et m’a sollicité de le prendre comme passager dans mon appareil. J’acceptai. Je suis certain d’avoir bien emmené avec moi le nommé Teddy Arnott, de la… division américaine… Et cependant, je m’aperçois à l’instant que mon compagnon… c’est une femme !

Il jeta un regard de rancune dans la direction de la victime évanouie et grogna piteusement :

— Me voilà propre, moi… Qu’est-ce que je vais en faire ?

Le jeune officier avait écouté cette confidence sans marquer trop de surprise. Quand on vit de l’Histoire, on est vite blasé de toutes les histoires même les plus incroyables. Seulement, il s’approcha curieusement de « Teddy » et parut impressionné par sa beauté dont la grâce ne perdait rien à ce désordre indiscret qui en soulignait les charmes. Cette impression favorable le conquit à la cause de l’aviateur. Jetant son manteau sur la jeune fille, il la souleva dans ses bras en disant à voix basse :

— Gagnons du temps… Je l’emporte chez moi ; nous verrons plus tard. Heureusement que notre ambulance est à trois kilomètres… Nous pouvons ainsi éviter un secours importun.

Ils se mirent en route ; d’un prétexte d’ordre, le sous-lieutenant avait éloigné ses hommes. Seuls, l’aviateur et l’officier s’engagèrent sous bois. Des futaies alternaient avec des taillis ; les endroits qu’ils traversaient étaient déserts ; ils ne rencontrèrent que trois soldats qui, assis au bord d’une mare, péchaient des grenouilles.