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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/102

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voudra bien me rendre mon amoureux, cette Nicole, qui possède tant d’autres admirateurs… » Aujourd’hui, je suis repassée devant la grille, j’ai aperçu Julien sonnant à la porte d’entrée. J’ai attendu son départ, et je me suis présentée à mon tour. Voilà. Je sais que j’ai très mal agi en venant ici ; j’étais tout effrayée, pour commencer… Je me trouvais en face d’une de ces personnes dont père me défend de parler… Et parler à l’une d’elles, c’était pis que de parler d’elles… Mais j’aime tellement Julien : j’aurais été le rechercher en enfer… Et puis, vous avez l’air si doux, madame, quand vous me regardez… N’est-ce pas que vous me laisserez mon Julien, et que ça ne vous privera pas trop, un amoureux de moins, au milieu de votre cour ?

Délicieuse petite Eurydice, qui se croit aux enfers, et me redemande naïvement son fiancé, avec l’innocence d’une gamine réclamant : « Rends-moi ma poupée ! » à la camarade qui la lui a chipée… Elle me considère d’un œil craintif et respectueux ; je suis la Courtisane, le monstre adulé et honni, idolâtré et abhorré, que le poète élève jusqu’aux nues en croupe de Pégase, et que le moraliste traîne dans la boue au cours d’une conférence en Sorbonne. Je dois