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Page:Marais - Nicole, courtisane.djvu/119

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qu’à toi là-bas, la dernière nuit, dans cette chambre de Luftkurort où j’écoutais sonner les heures en tête à tête avec ma morte. J’avais beau contempler la face inerte de Rachel, son nez aquilin, son teint pâle, ses longs cheveux noirs d’Orientale ; malgré moi, par une sorte de sadisme cruel, c’était ta tête blonde que j’évoquais, ta joliesse d’un autre siècle, ton nez mutin, tes lèvres fleuries… Je songeais : « Si c’était Nicole, tout de même, qui fût là, inanimée, rigide, partie pour toujours… » Et je me rapprochais du lit, je palpais le corps de Rachel : « Si c’était Nicole qui eût cette chair froide, ces membres roidis… Si c’était elle ! »… C’est bête, ce besoin que l’on a de se torturer !… Quand cette longue veillée fut terminée, et que le père et le frère de ma femme entrèrent dans la chambre, j’avais des larmes plein les yeux à force de m’être figuré ta mort… J’entendis mon beau-père chuchoter à son fils : « Pauvre Paul, il lui était plus attaché qu’il ne le paraissait ! » Et je ne pus réprimer un sourire…

Tandis que Paul rappelle ces impressions funèbres, l’auto nous conduit par des petites routes délicieuses, où, sur les arbres vêtus de neuf, d’invisibles oiseaux bavardent, d’une