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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/123

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rer la chambre à tâtons. Tous ces objets sur lesquels erraient ses doigts lui étaient familiers ; il reconnaissait la petite lampe de cuivre, le cadre sculpté des saintes images, tout, jusqu’au mauvais escabeau qui se trouvait encore au côté droit d’une table mal affermie. Ces choses étaient à leur place, telles qu’il les avait vues autrefois, mais il lui sembla qu’elles étaient couvertes de poussière.

— Mon père n’est plus là ! s’écria-t-il douloureusement, et il se laissa tomber sur l’escabeau. Il posa son front dans ses mains et demeura quelque temps immobile. Il ne pensait pas, il écoutait les aboiements lointains des chiens de garde. Tout d’un coup, il se leva : — Je suis fou ! dit-il d’une voix ferme et presque joyeuse, mon père est à la veillée chez quelque voisin. « Noël ! Noël ! le Christ est né ! » chanta-t-il à mi-voix. C’est la Noël cette nuit ; je l’avais oublié.

Et il songea à la Zamfira. Il rajusta, tant bien que mal, la porte brisée, saisit son bâton et se dirigea vers la demeure des Mozaïs. Le père et la fille étaient absents. Accablé de fatigue (le pauvre boiteux avait marché toute la journée et n’avait guère mangé depuis deux jours), se sentant encore plus isolé qu’auparavant, il était parvenu à ce degré d’accablement physique plutôt que moral qui fait qu’on n’aspire plus qu’au repos, si long qu’il doive être. Il s’étendit sur la neige et ferma les veux. Il ne put dormir : la cabane des Mozaïs était trop peu éloignée de la maison des Slobozianii. Il voulut revoir une dernière fois ce seuil qu’il s’était juré de ne plu franchir ; mais ses pieds, à demi gelés, et chaussés de sandales usées sur le sol bulgare, se refusaient à le porter. Il se traîna sur ses mains, s’ensanglanta les genoux aux pierres que l’extrême froid rendait tranchantes, et,