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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/34

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Peut-être souffrait-elle de cette sorte de proscription qui la frappait injustement ; elle ne se plaignait jamais, elle était très-douce, et quand elle pleurait, c’était si bas qu’on l’entendait à peine. On appelait Mariora une perle, on eût pu appeler Zamfira un ange. Zamfira était dévouée à Mariora ; Mariora aurait aimé Zamfira si la Tzigane n’avait eu dans ses cheveux ces pauvres rubans rouges fripés. Ces rubans racontaient tout une histoire et c’étaient eux qui faisaient que Mariora accablait souvent la Zamfira de reproches immérités et de sanglantes railleries.

Un jour (il y avait de cela un an alors), Mitica les avait rapportés de la foire Mosilor que l’on célèbre à Bucharest pendant la semaine qui précède la Pentecôte.

— Du rouge ! s’était écriée Mariora mécontente, pourquoi du rouge, puisque je suis blonde !

Mitica sourit et ne répondit pas. Le lendemain, la Zamfira paraissait à la hora avec les fameux rubans dans ses cheveux, à la grande colère de Mlle Sloboziano qui bouda son frère pendant huit jours, en criant bien haut qu’elle ne voulait pas de bohémienne dans la famille. La vue continuelle de ces rubans exaspérait Mariora qui s’acharnait à faire de Zamfira une Cendrillon danubienne. Ils étaient fanés maintenant et Mariora s’était juré que Mitica ne les remplacerait pas.

Mitica Sloboziano aimait Zamfira, non comme les jeunes gens de Bucharest ont l’habitude d’aimer les Tziganes, mais ainsi que méritait d’être aimée une brave et digne fille, telle qu’elle l’était.

La Zamfira n’était pas belle ; son teint, d’une couleur de bronze très-accentué, révélait à première vue son origine suspecte ; ses cheveux avaient la rudesse du crin (Mariora disait que ça piquait !), elle était petite et plus