Aller au contenu

Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24

âgée de deux ans que Sloboziano ; mais tant de bonté sereine se lisait dans ses grands yeux noirs, qu’en la voyant à côté de Mariora on se demandait si la moins jolie n’était pas la plus belle. Et ces yeux-là ne savaient pas mentir.

— Pourquoi aimes-tu la Zamfira ? disaient les jeunes filles à Mitica ; elle n’est ni jolie, ni riche ; de plus, elle a du sang païen sous sa peau noire. Une Tzigane ! c’est vieux à vingt ans !

— Je l’aime, d’abord parce qu’elle m’aime, répondait-il simplement ; ensuite, parce qu’elle est bonne, ce qu’on ne pourrait pas dire de vous toutes qui avez la langue prompte et le cerveau léger.

Malheureusement, la tendre affection que Mitica portait à la Zamfira n’avait affaibli en rien le goût prononcé du jeune homme pour le rakion et la danse.

Les paroles de Mariora sur les yeux des Russes avaient fait hausser les épaules à ses compagnes.

— Je ne connais guère que les chats et les hiboux qui aient les yeux jaunes, dit Catinca la meunière.

— Eh bien ! tant mieux pour toi, ma chère, fit sèchement la fille du pope, il existe des choses qu’il est bon d’ignorer.

— Qu’est-ce qu’elle dit ? s’écria l’assemblée tout d’une voix.

— Je dis… je dis que je ne me sens pas disposée à endurer vos agaceries ce soir et que vous ayez à me laisser en repos !

— Ah ! j’entends, fit Ralitza d’un ton railleur, le bel Isacesco.

— Il s’agit bien d’Isacesco ! murmura Mariora avec humeur. Puis, après un silence : Isacesco ! c’est vrai… il va venir !

Évidemment, quelque chose la tourmentait ; elle tor-