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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/52

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un si étrange projet à exécution, Boleslas s’avança vers Boris Liatoukine, en aussi droite ligne que le lui permettait la masse des liquides qu’il avait absorbés. Liatoukine le regardait venir et souriait. Or, le sourire de Liatoukine était hideux ; mais ce qui pouvait effrayer le comte Brzemirski à jeun n’intimidait guère le hussard polonais ivre. Boleslas se planta résolûment devant son adversaire, posa ses poings sur ses hanches et d’une voix goguenarde :

— Liatoukine, mon bon ami, on prétend que tu as été gelé par tes cosaques à Sébastopol… Est-ce vrai, dis ?

Ces singulières paroles avaient été prononcées si haut que la plupart des personnes présentes les entendirent. Aussitôt les conversations particulières cessèrent et tous les yeux demeurèrent braqués sur le groupe que formaient les deux officiers et la princesse Epistimia. Le Polonais, au risque de perdre l’équilibre, se balançait sur une jambe et continuait :

— Et qu’un jour tu t’es trouvé à la fois chez la comtesse M*** et chez la princesse S***. Est-ce vrai, hein ?

Liatoukine était immobile, mais il ne souriait plus. L’assemblée attendait et retenait son souffle. Et le Polonais poursuivait toujours :

— Et que tu as été marié deux fois, et que tes deux femmes sont mortes après un mois de mariage, et qu’elles avaient toutes deux le cou tordu ?

Boris sentit le bras d’Epistimia qui tremblai sur le sien, il resta calme cependant, et d’une voix claire et ferme :

— Cet homme est ivre ! dit-il, venez, Madame. Il fit un pas pour s’en aller ; le Polonais, d’un bond, s’élança sur lui.