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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/66

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à l’avantage de ce dernier, la Chaussée, son bruit et ses promeneurs n’existaient plus pour la pauvre Zamfira dont l’imagination exaltée évoquait les scènes les plus effrayantes. C’étaient d’affreux champs de bataille couverts de morts, c’étaient des villes en flammes, des populations entières massacrées ; elle entendait le hurlement du canon, le galop des chevaux et, dominant ce tapage imaginaire, elle croyait distinguer la voix de Mitica qui l’appelait, elle voulait voler à son secours… mais le bras de Mariora qui la retenait la rappelait soudain à une réalité moins cruelle.

— Mon Dieu ! Zamfira, disait sa compagne d’un ton lamentable, que c’est ridicule de courir ainsi ! Quand tu es seule, tu ne marches pas si vite que tu ne te laisses suivre par des officiers !

Zamfira ralentit le pas, mais elle resta muette à cet injuste reproche qui n’était rien moins que bien placé dans la bouche de Mlle Sloboziano. Cinq minutes après :

— Mon Dieu ! Zamfira, tu le fais donc exprès ! Nous ne serons jamais hors du bois avant la nuit ; si tu ne te hâtes pas, je retournerai seule et Isacesco dira que j’ai bien fait !

Zamfira se mordit les lèvres, sa provision de patience était épuisée, et certain regard chargé de colère que Mariora surprit lui annonça qu’une troisième observation de ce genre serait peut-être moins bien reçue. Mais un mauvais génie semblait s’être fait ce soir-là le conseiller de la fille du pope. Elle se dit que la Zamfira en colère, ce devait être quelque chose de fort réjouissant, et, tout en roulant de laides pensées dans sa jolie tête, elle était arrivée avec son amie, ou plutôt sa victime, à l’entrée du bois de Baniassa. Au même moment, une bande de jeunes filles faisait irruption dans l’allée principale ; elles