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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/47

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l’horrible régime disparu ; d’ailleurs, tous les membres de ma famille, composée d’honnêtes gens, semblaient regretter les Bourbons ; ma mère surtout ne nous entretenait que de traditions de respect et d’amour pour les pauvres exilés, dont, au dehors, nous n’entendions jamais parler. D’autre part, on nous inspirait un profond dégoût pour les hommes de la Révolution et les orgies sanglantes de la Terreur. Malgré cette éducation royaliste, nous partagions l’enthousiasme guerrier de nos camarades du lycée ; nous étions éveillés chaque matin au bruit du tambour, les heures se partageaient entre Quinte-Curce, Cicéron, Virgile et l’école de peloton, les études classiques et le maniement d’armes. L’Empereur voulait faire de chaque collège une pépinière de soldats et il y avait réussi.

On nous lisait les bulletins de la Grande Armée arrivés de la veille, et souvent cette lecture se faisait en présence du général Marulaz qui était accompagné de tout l’état-major de la place, dont les élégants uniformes tournaient les têtes et faisaient étinceler nos yeux. On rêvait déjà les joies du champ de bataille, les épaulettes de général, et ma flamme patriotique était entretenue par les nouvelles que nous recevions parfois de mes sept cousins Marquiset, tous braves soldats qui suivaient les aigles impériales à travers l’Europe[1].

  1. Marquiset (Bonaventure), capitaine au 14e d’infanterie légère, mort en captivité de la peste à Carthagène ;
    Marquiset (Lazare), capitaine au 119e d’infanterie de ligne, était alors en Espagne ;