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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/197

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dire. Ainsi, tiens, je pense à père… Mais tu ne le connais pas bien. D’ailleurs, lui, c’est autre chose encore. Eh bien », continua-t-il après une pause, et il vint s’asseoir vis-à-vis de Jacques, le buste penché, les mains sur les genoux, comme faisait M. Thibault, « ce que je voulais seulement te dire aujourd’hui, c’est que cette force secrète, elle apparaît sans cesse dans ma vie, je ne sais comment dire, à la manière d’une vague, à la manière de ces brusques lames de fond qui vous soulèvent quand on nage, qui vous portent, qui vous font franchir, d’un grand bond, tout un espace ! Tu verras ! C’est merveilleux. Mais il faut savoir en tirer parti. Rien n’est impossible, rien n’est même difficile, quand on a cette force-là. Et nous l’avons, toi et moi. Comprends-tu ? Ainsi moi… Mais je ne te dis pas ça pour moi. Parlons de toi. Voilà le moment de mesurer cette force en toi, de la connaître, de t’en servir. Le temps perdu, tu le rattraperas d’un seul coup, si tu le veux. Vouloir ! Tout le monde ne peut pas vouloir. (Il n’y a d’ailleurs pas bien longtemps que j’ai compris ça.) Moi, je peux vouloir. Et toi aussi tu peux vouloir. Les Thibault peuvent vouloir. Et c’est pour ça