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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/107

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GLORIANE

m’avait-il suivie ? Oh ! cette soutane ! Je le pris par le cou, et, sa tête sur ma poitrine, je lui mordis la tonsure, mettant ma marque où l’Église avait mis la sienne. Mais il était craintif, incertain, fuyard. Il lui aurait fallu des pentes douces pour descendre à l’abîme ; j’étais le gouffre abrupt. Je l’effrayais, il m’ennuya. Des mules, avant l’aurore, — car il fallait fuir, — firent tinter, sous la fenêtre, leurs clochettes. Je me rhabillai sans lui parler. L’imbécile ! Un des muletiers, qui me mit en selle, m’enlaça fortement, en me riant sur les lèvres. Il était jeune, beau, robuste ; il ressemblait au torero qui serrait ma nuque dans la chambre de la servante. Le goût du baiser ancien me revint à la bouche comme une plaie qui ressaigne. Je lançai ma bête au galop. Le muletier me suivit : il m’avait comprise. Un homme ! Je voyais, en tournant la tête, le prêtre devant l’auberge, une jambe levée pour mettre le pied dans l’étrier, ébahi, avec un air qui interroge ; puis il s’en alla, à pied, le front entre les mains, vers le cloître, content peut-être, pas même damné.

« Ce fut sur un lit de mousse où les insectes pullulent dans la pluie d’or du ciel, où les feuil-