Aller au contenu

Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
LE ROI VIERGE

les allumées font un brasier de chaudes émeraudes. Je me redressai, victorieuse !

« Maintenant tous mes souvenirs se brouillent, vagues et troublants comme des odeurs mêlées qui montent au cerveau.

« Peut-être, errante d’amours en amours, demandant au hasard d’aujourd’hui la joie du hasard d’hier, mendiante sur les routes avec un beau mendiant, servante dans les auberges où viennent rire et boire de jeunes voyageurs, peut-être, enfin, ai-je attendu, le soir, derrière un arbre, celui qui guettait, dans le fossé de la route, les voyageurs promis ? Je me souviens d’une prison, de vieilles murailles qui ressemblaient à celles du couvent, et d’un geôlier, que j’aimais ! Libre, je me vois dans un vaste salon trop doré, où des fleurs se fanent, où des gouttelettes de jets d’eau pétillent entre des luxes d’étoffes folles, où se pâment des encens comme dans une étrange église. Des femmes, sous un jaune flamboîment de gaz, blanches, rouges, toutes fardées, s’étalaient dans des mousselines ouvertes, ou traînaient dans la longueur des jupes des promesses de draps soyeux. Des hommes venaient ; elles riaient, ennuyées. Moi, plus belle, dans moins d’étoffes et