Aller au contenu

Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
LE ROI VIERGE

mon triomphe. Je traversais la ville, étendue sur les satins d’une calèche, rêveuse, parmi des secoûments de grelots et des panaches de majordomes. Mon amant, je crois, était je ne sais quel ministre ; je m’égratignais la joue aux plaques de ses ordres. Alors, connaissant la force d’être belle, je consentis, une heure, à l’orgueil. J’eus des postes qui me célébrèrent sans oser me comprendre, les lâches âmes ! et moi-même je me chantai dans un glorieux poëme, pareil à ceux où les grands débauchés d’Italie exaltaient la magnificence du rut et que les peintres chrétiens imageaient de sexualités géantes ! Le libraire fut envoyé en prison. Cependant, toujours pareille à moi seule, je faisais aux plus humbles largesse de ma beauté rayonnante et publique comme le soleil ; et, sortant de mon palais, j’avais des paradis dans des bouges ! Parce qu’il avait enfoncé son épée jusqu’à la garde et du premier coup dans le cuir du taureau, je m’épris, à Madrid, de la Prima Spadá C’était un fier garçon, qui avait été au bagne, et s’en était évadé. Il me battait quand il était ivre ; je lui versais à boire, le trouvant plus beau dans la colère. Il allait quitter Madrid ; je lui dis : « Emmène-moi. » Nous partîmes avec ses com-