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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/111

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GLORIANE

pagnons, jeunes, forts, superbes, brutaux et beaux comme lui. Seule entre eux, j’errais de ville en ville, et, dans les cirques, je me tenais au premier rang, penchée, haletante, les yeux brûlés du soleil qui pétillait dans la dorure de leurs vestes. Ces tueurs de bêtes aiment bien les femmes. J’étais leur passion et leur querelle. L’un d’eux, pour moi, en assassina un autre, d’un seul coup derrière la tête, comme il eût tué le taureau ; et moi, insultée, battue, adorée, je m’enivrais, le soir, dans tous les verres, je changeais de lit dans les hôtelleries ! Un matin, celui qui m’avait emmenée m’emporta d’une chambre sur la route, et, me tirant par les cheveux, me jeta dans un fossé.

« Quand je me relevai, la gorge et les joues égratignées de cailloux, ayant aux lèvres un goût amer, sans doute à cause des vertes herbes mordues, l’auberge, à ma gauche, était silencieuse. Les toreros devaient être partis, me croyant morte peut-être. Je méprisai la route par où ils s’étaient enfuis, et détestai le lit de pierres et de plantes où l’on m’avait laissée évanouie, et seule.

« De grands murs, noirs et durs, rectangu-