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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/129

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GLORIANE

jeunes, presque tous décorés, corrects, parfaits, en habit noir, le gilet très ouvert. Cette tenue était de tradition dans ces coulisses mondaines ; d’ailleurs, il y avait bal à l’Opéra, précisément. Elle se sentit toute pressée d’une approche grossissante de saluts, toute chatouillée de murmures complimenteurs que perçait par instants une exclamation enthousiaste. Quelques dilettantes, la tête penchée avec un sourire niais, l’applaudissaient sans bruit, tout près d’elle, presque sous son menton, de sorte que l’une des mains lui touchait souvent la peau de la poitrine, par petits coups. Superbe, et comme grandie, sa gorge de neige chaude, enflée par de puissantes aspirations, elle s’épanouissait, extasiée, et, les narines battantes, riait silencieusement de son beau rire rouge. Enfin, elle s’en alla, brutale, dans un bruit de soie cassée, laissant traîner ses bras nus parmi les manches d’hommes, sentit avec délices l’air froid des couloirs lui piquer les épaules, entra violemment dans sa loge, courut vers la glace, et, toute frémissante, baisa sur le miroir, qu’estompait une vague buée, le reflet sanglant de ses lèvres.

— Tiens ! vous êtes là, vous ? dit-elle.