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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/185

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FRÉDÉRICK

nait la tête entre les mains. Il s’arrêta tout à coup, très pâle.

— Karl ! Karl ! dit-il en secouant dans le vent ses boucles, il faut que je fuie ! Tu m’entends ? Je veux fuir. Loin de ma ville, loin de ma cour, loin des respects qui m’écœurent et des intrigues qui me gênent, loin de tous ceux qui me possèdent parce que je suis leur maître ! Je romprai mes chaînes, et les leurs. Le trône est un siége de torture où je ne veux plus être assis. Comme Walter de la Vogeleide, j’ai l’âme d’un oiseau dans un corps sans ailes, hélas ! À la pesanteur d’être homme, je n’ajouterai plus la gravité d’être roi. Il faut que je m’échappe et disparaisse ! Il y a bien, sur une rive inconnue, quelque pâle solitude encore où cacher à tous les yeux la honte et le regret de vivre. Je veux être parmi les humains le souvenir de quelqu’un qui a passé pour ne jamais revenir !

— Je suis du voyage ! dit Karl. Votre Majesté s’accommodera-t-elle de la Floride ? C’est un pays assez désert, à ce que l’on rapporte. Des fleurs énormes, pleines de poisons parfumées fleurissent au bord de grands lacs noirs, et les oiseaux qui viennent boire aux calices battent de l’aile