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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/27

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GLORIANE

sous le nez et les femmes dans le corsage ; enragée de curiosités canailles, éprise aussi des belles choses, camarade perverse des divas de café-concert, enthousiaste protectrice de Hans Hammer, le grand musicien d’Allemagne ; ayant des amants, certes, et le laissant voir, mais ne l’avouant à personne, pas même à eux dans le tête-à-tête, elle se permettait tout, avec l’air de ne rien permettre ; son audace défendait d’oser.

On lui attribuait cent extravagances ; aucune n’était prouvée. Elle avait une légende plutôt qu’une histoire. On chuchotait qu’on l’avait vue au bal de l’Opéra, en domino quelquefois, plus souvent en débardeur, la face nue, et le reste, comme disant aux gens : « Je vous défie de me reconnaître ; » que, non pas jalouse, mais par gageure, elle avait rendu folle d’elle, en lui empruntant un travesti, une belle fille des Bouffes dont son mari était l’amant ; pis encore : qu’elle s’était prise d’un caprice sinistre et joli pour un célèbre clown qu’on allait guillotiner, et qui se nommait Aladin ou Papiol. Mais ces aventures étaient si excessives qu’elles étonnaient les médisants eux-mêmes ; et comme à tout prendre, l’innocence la plus douteuse est moins invrai-