Aller au contenu

Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LE ROI VIERGE

semblable qu’une perversité pareille, la renommée de Mme de Soïnoff se tirait d’affaire, tant bien que mal, par l’incroyable. D’ailleurs, on redoutait la comtesse à cause de l’amitié de la reine. La crainte s’achève en respect ; on passe tout à qui peut tout. En somme, une petite créature frivole, mais qui pouvait être terrible ; méprisée à demi, tout à fait adorée, de qui l’on disait à voix basse tout le mal imaginable, à voix haute tout le bien possible ; abominablement dépravée sans doute, et peut-être vertueuse ! Étonnante.

Elle dit sans cesser de rire :

— Mais à quelle heure venez-vous, prince Flédro ? Le jour est-il levé ? Les mœurs allemandes, toujours. Les femmes, là-bas, mettent leurs corsets avant l’aurore, à l’heure où nous retirons les nôtres. C’est fort heureux pour vous que j’aie couché au Château ; sans cela vous n’auriez pas été reçu. Je vous assure qu’il n’y a d’éveillés ici que moi et un petit rouge-gorge qui vient frapper du bec, le matin, à la vitre de ma croisée.

Elle disait cela avec un air de frissonner, en croisant devant son cou les dentelles d’une mantille dont les longs bouts retombaient sur un