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LE ROI VIERGE

si la peste eût été dedans. N’ayant plus de prêtre dans leur voisinage, les gens les plus sensés de l’endroit jugèrent bon de s’adresser à Dieu, directement. En conséquence, six jeunes filles et douze jeunes garçons, les plus beaux qu’on pût trouver, firent vœu de représenter tous les dix ans la Passion de notre seigneur Jésus-Christ, aussi parfaitement qu’il se pourrait faire. Il faut croire que le bon Dieu prend plaisir à voir la comédie, car, depuis le jour où le vœu fut juré, aucune personne ne mourut de la peste à Oberammergau ; et même un très vieil âne, qui était assez mal en point, non à cause de la peste qui ne s’attaquait qu’aux personnes parlantes, mais à cause de son grand âge, reprit tout à coup force et belle humeur pour avoir brouté l’herbe de la vallée où l’on avait décidé que le Jeu serait joué.

À travers les siècles, la pieuse coutume persévéra obstinément ; et tandis que se fondaient ou s’écroulaient les empires, tandis que l’embrassement furieux des peuples ensanglantait les plaines, — à l’heure même où l’Allemagne commença d’épeler la vérité sous le doigt de Luther — les montagnards d’Oberammergau célébraient, dans leur candeur fidèle, la légende rédemptrice ; l’é-