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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/284

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LE ROI VIERGE

sans, ces montagnards sont devenus de prodigieux comédiens, ou plutôt ils ne sont plus des comédiens en effet : ils sont les êtres mêmes qu’ils représentent, et ils atteignent, à force de manquer d’art, à une intensité d’expression qui fait rêver les artistes. De là une grande affluence de gens de toute sorte, quand vient l’époque longtemps attendue où doit être célébré le Mystère ; et les habitants d’Oberammergau tirent un double profit du jeu de la Passion : s’ils y font leur salut — ce qui est très agréable, sans doute, — ils y font en même temps leur fortune, — ce qui n’est pas absolument pénible. Pendant les quatre jours de la représentation, Jésus gagne plus de florins à porter la couronne d’épines que, durant dix années, à sculpter et à peinturer des saintes en manteaux bleus, des éléphants, des chamois et des ours, ou de petits Napoléons premiers.

Frédérick, consterné, ne bougeait point dans la rue du village en fête. Il s’aperçut que les buveurs le considéraient avec curiosité, que les filles rôdaient autour de lui et le montraient du doigt. Une rougeur lui vint aux pommettes ; il se retira, timidement, rasant les murailles.

Il se garda bien d’aller du côté de la plaine où