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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/299

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FRÉDÉRICK

brutale ; l’archevêque eut le bon goût de ne pas entendre. Au surplus, l’abbé Glinck ne niait pas ces petites intimités nocturnes ; il se bornait à ne pas les proclamer. Tout le monde savait, entre autres aventures, qu’il avait manqué de cruauté — le mot a plusieurs sens — à l’égard d’une comtesse russe qui jouait du piano comme un séraphin de la harpe, avait l’air, même habillée en femme, d’un petit garçon qui serait vilain, et fumait des cigares de Venise qui auraient donné la nausée à un tambour-major. Un soir, à Rome, il l’avait trouvée dans sa chambre ; elle arrivait de Saratoff ou des environs pour jouer à quatre mains avec l’abbé une symphonie de Beethoven. Comme elle s’était couchée en l’attendant et qu’elle se refusait à remettre sa robe, il n’osa pas la jeter à la porte, à cause du scandale. Cela se conçoit : un prêtre ! Il la garda près de lui, très longtemps. Même il l’emmena dans ses aventures. Laide, oui, mais idolâtre, elle donnait avec un enthousiasme utile l’exemple des agenouillements et des baisements de mains ; un dieu a besoin de dévotes. Puis, c’était, elle aussi, une grande artiste ; et elle avait une façon d’être folle, tout à fait divertissante. Quand il