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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/300

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LE ROI VIERGE

voyageait en poste, elle sautait sur l’un des chevaux, habillée en postillon, faisait claquer son fouet sur le rhythme du dernier allegro du maître ! Comme elle était en argent comptant, — ayant vendu tout ce qu’elle possédait de forêts et de mines pour venir vivre auprès de l’abbé — elle recevait tous les jours un énorme bouquet de lilas blancs, expédié par M. Alphonse Karr, jardinier de Nice ; et l’abbé Glinck s’était accoutumé à trouver ce printemps de neige, chaque matin, sur son oreiller. Mais elle était moins blanche que ses fleurs, — en outre, jalouse, acariâtre, prompte aux querelles et aux soufflets ; quand les bouquets arrivèrent avec une régularité moins fidèle — soit que l’enthousiasme de la comtesse se fût ralenti, soit qu’elle fût ruinée, — l’abbé lui conseilla d’aller donner des concerts en Amérique. Cependant, que devenait, parmi tous ces hasards, la ferveur religieuse du converti ? Il n’en parlait guère ; les autres ne s’en inquiétaient pas davantage ; on supposait probablement qu’il la mettait tout entière dans ses messes et dans ses oratorios. Par bonheur, son talent était plus réel, sinon plus sincère, que sa dévotion. À force d’interpré-