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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/222

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LA MÉMOIRE DU CŒUR

trait presque toutes les dents. Ah ! bien au contraire, le bleu matinal du ciel, où volette le tireli des alouettes, n’égalait pas en douceur l’azur des yeux dont elle regardait son ami ; et, quand à ce qui était de sa bouche, elle était si étroite que, même ouverte pour une chanson ou pour un baiser, elle laissait voir à peine quelques mignonnes perles. Le jeune roi se sentit pris d’une violente colère contre ce portrait absurde, qui contredisait tant de chers souvenirs ! S’il avait eu en son pouvoir l’exécrable enchanteur auquel cette transformation était due, — car il y avait ici, à coup sûr, quelque enchantement, — il se serait vengé de lui d’une façon terrible. Pour un peu, il aurait décroché, foulé aux pieds, la mensongère image ! Il se calma cependant, songeant que le mal était réparable. Il se mit au travail ; il peignait d’après ses fidèles souvenirs ; et, quelques heures plus tard, il y eut sur la toile une jeune femme aux yeux bleus comme le lointain de l’aube, à la bouche si petite que, si elle eût été fleur, il y aurait pu tenir à peine deux ou trois gouttes de rosée. Et il regardait