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Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/24

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LE SOIR D’UNE FLEUR

cela la consolait de toucher la fleur qu’elle avait prise.

Qu’est-ce que cela pouvait lui faire, cette fleur ? Née dans quelque sale maison d’une cité populacière, habituée à une vie sans dimanches, elle ne pouvait pas avoir la nostalgie des champs, des buissons, des courses dans les bois, avec les camarades, en sortant de l’école ; une églantine, pour elle, ce devait être quelque chose qu’on vend à des messieurs, le soir, sur le boulevard ; et puis, si on n’a pas fait bonne recette, des coups, après minuit, au retour. Tout le jour, pendant la fête, elle avait vu, des coupés aux victorias, un échange fou de bouquets ; des dames bien habillées, éclatantes, heureuses, la face fleurie de joie, riaient en baissant la tête, pour éviter à leurs chapeaux, le heurt envolé des roses et des pivoines ; la haine des fleurs, — des fleurs, métier pour elle, luxe pour les autres, — voilà ce qu’elle aurait dû éprouver ce pauvre être. Mais non, elle tâtait toujours, sous l’étoffe sans boutons, l’églantine ramassée ; et, les yeux à peine séchés, elle avait un sou-