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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/119

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AMA

Je suis donc d’avis que le mot Amatrice, sollicité par le besoin, avoué par le goût parfaitement analogue, ayant des patrons recommandables, circulant déjà parmi les personnes qui parlent bien, est frappé au coin des meilleurs mots français.

J’en ai assez dit pour les esprits justes ; mais comment persuader ceux qui, n’ayant pas même le mérite de l’invention, viennent niaisement jouer sur le mot, et, tourmentant la syntaxe, en ne fesant pas une ellipse qu’elle commande, et la prononciation, en coupant en deux un mot indivisible, commettent une double faute, pour arriver enfin à un misérable calembourg ? Cependant ils entraînent la petite coterie : trop scrupuleuses pour se dire Amatrices, les dames, se proclament Amateuses, malgré l’analogie, et Amateurs, malgré le sexe.

Construisons et prononçons Amatrice, comme la raison veut qu’il soit construit et prononcé : cette société est composée d’Amateurs et d’Amatrices ; les Amateurs ont du talent ; les Amatrices, des graces et du goût. Ni cette phrase, ni celle de J. Jacques, ne sauraient donner lieu à une mauvaise plaisanterie. Notre langue fourmille de mots qui, dans quelques syllabes, offrent à la frivolité attentive, une image ridicule et obscène, tandis que le mot total et les expressions environnantes présentent le véritable sens aux personnes raisonnables.