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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/151

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de la ville, les versent au point du jour dans les égouts & dans les ruisseaux. Cette épouvantable lie s’achemine lentement le long des rues vers la riviere de Seine, & en infecte les bords, où les porteurs d’eau puisent le matin dans leurs seaux l’eau que les insensibles Parisiens sont obligés de boire.

Quelque chose de plus incroyable encore, c’est que les cadavres que volent ou qu’achetent les jeunes chirurgiens pour s’exercer dans l’anatomie, sont souvent coupés par morceaux, & jetés dans les fosses d’aisance. À leur ouverture, l’œil est quelquefois frappé de ces horribles débris anatomiques, qui réveillent des idées de forfaits. Le travail, indépendamment de l’effroi qu’il inspire, devient plus redoutable aux vuidangeurs. La mitte, le plomb, les terrasse ou les tue, & l’humanité vivante est encore plus outragée que l’humanité qui n’est plus. Ô superbe ville ! que d’horreurs dégoûtantes sont cachées dans tes murailles ! Mais n’arrêtons pas plus long-tems les regards du lecteur sur ces épouvantables résultats d’une nombreuse société.