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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome I, 1782.djvu/47

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À dix-huit ans, quand j’étois plein de force, de santé & de courage, & j’étois alors très-robuste, je goûtois beaucoup le systême de Jean-Jacques Rousseau : je me promenois en idée dans une forêt, seul avec mes propres forces, sans maître & sans esclaves, pourvoyant à tous mes besoins. Le gland des chênes, les racines & les herbes ne me paroissoient pas une mauvaise nourriture. L’extrême appétit me rendoit tous les végétaux également savoureux. Je n’avois pas peur des frimats ; j’aurois bravé, je crois, les horreurs du Canada & du Groënland ; la chaleur de mon sang rejetoit les couvertures. Je me disois dans ma pensée : là, je ne serois point enchaîné dans ce cercle de formalités, de chicanes, de minuties, de politique fine & versatile. Libre dans mes penchans, je leur obéirois sans offenser les loix, & je serois heureux sans nuire ni à l’avarice ni à l’orgueil d’aucun être.

Mais quand cette premiere fougue du tempérament fut ralentie, quand, familiarisé